dimanche 15 novembre 2015

Guerre et terrorisme, les mots ont une histoire

La France a payé le prix du sang à nouveau. Après le 7 janvier 2015, la date du 13 novembre 2015 restera gravée dans notre histoire.

N'oublions pas que d'autres pays sont aussi victimes du terrorisme en ce moment ou l'ont été dans le passé.


Dans le discours présidentiel qui a suivi les attentats, François Hollande parle d'un "acte de guerre", expression qu'il répète plusieurs fois comme pour nous en convaincre.

L'expression de "guerre contre le terrorisme" est une expression que les autorités américaines ont imposée au monde après les attentats du 11 septembre 2001. Il s'agissait alors de choisir son camp dans une vision manichéenne et caricaturale du bien et du mal. La France s'est alors rangée dans le camp des Etats alliés des Etats-Unis qui allaient organiser la lutte contre le terrorisme et s'est engagée, modestement, dans la guerre en Afghanistan (les derniers soldats français ont d'ailleurs été retirés de ce terrain d'opération après la victoire de François Hollande).

Ces mots, ces expressions ont donc une histoire elle-même largement teintée d'idéologie.


La guerre est un conflit armé qui oppose deux Etats ou des groupes identifiés à l'intérieur d'un Etat. C'est une tentative en utilisant la force pour régler un différent.

La "guerre contre le terrorisme" est une guerre idéologique. On engage des moyens militaires contre une idéologie barbare, le terrorisme. Mais comment saisir une idée ? Qui sont ces ennemis contre qui nous serions en guerre ? Qui sont les terroristes ? Sont-ils un groupe identifiable ?

Pour sortir d'une guerre, il faut pouvoir vaincre un ennemi identifiable ou il faut pouvoir négocier avec des autorités identifiables qui ont des attentes identifiables. Or est-ce le cas avec des terroristes ?

Avec Bertrand Badie (professeur à Sc Po), interviewé sur France Inter ce matin (15/11), je pense qu'"il faut savoir renouveler nos catégories d'analyse", car il s'agit d'"une nouvelle conflictualité internationale qui mèle le social et le politique". En effet, l'essentiel de la violence provient d'une crise sociale et d'une crise de valeurs. Les kamikazes ne sont pas des soldats, ce sont des individus manipulés issus d'une situation sociale qui est celle d'un échec complet, qui ne se reconnaissent pas dans les institutions (les Etats) qui sont supposées les intégrer ou qui vivent dans des territoires sans institutions stables comme en Syrie. Ils n'ont pas de réussites ou de réalisations, ils n'ont pas de reconnaissance dans le territoire où ils habitent.

C'est donc bien une situation de décomposition sociale extraordinairement grave souvent associée à une marginalisation économique qui a donné lieu à cette violence et qui a donné une clientèle à Daesh. Car Daesh est un entrepreneur, une série d'individus qui mise sur cette clientèle qui sait utiliser les codes de communication modernes pour s'adresser à ces jeunes souvent à la recherche de sens et qui trouvent leurs références sur les réseaux sociaux.

Nous avons donc collectivement une grande responsabilité. D'une part, nos dirigeants ont fait le choix de mener une guerre sans fin qui continuera forcément de faire des victimes, une guerre fondée essentiellement sur le renseignement, la communication et l'engagement d'armes technologiques comme les drônes. Les terroristes ne peuvent donc pas répliquer sur le terrain contre ces armées étrangères qui les combattent. Ils peuvent par contre répliquer en menant des attaques terroristes dans les pays concernés. Il y aura donc d'autres attentats et d'autres victimes collatérales et innocentes.
D'autre part, ce que nous devons tenter de faire, c'est de priver Daesh et les autres groupes terroristes de leur clientèle. Il ne faut laisser aucun jeune en perdition, il faut lutter contre la ségrégation, les inégalités dans nos territoires et plus globalement, combattre toute forme d'injustices et d'inégalités. Il faut faire de l'éducation le fer de lance d'un projet de société qui tend vers la paix, la tolérance, l'égalité et la solidarité.

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