jeudi 19 novembre 2015

Le "tout sécuritaire" en marche : la question de la déchéance de nationalité

L'Etat d'urgence a été instauré après les attentats de Paris. Il sera certainement prolongé de trois mois.
On entend des critiques sur le chiffrage des informations qu'on échange, car ce chiffrage empêcherait les services de renseignement de faire leur travail en espionnant les conversations par téléphone ou internet (Edward Snowden doit avoir de plus en plus de mal à dormir).

Quel prix nos libertés individuelles et collectives vont-elles devoir payer au nom de l'exigence de sécurité ? Ces atteintes aux libertés sont-elles réellement nécessaires ? Les mesures liberticides sont-elles justes et efficaces ? Qui peut garder un regard lucide et défendre nos lois et nos principes démocratiques dans un contexte ou les juges sont mis hors jeu (par l'état d'urgence) et dans un contexte aussi violent et passionné?

Nous devons former des futur citoyens responsables, conscients de leurs droits et devoirs, et capables de s'engager. La tâche est particulièrement hardue aujourd'hui, mais elle est absolument essentielle.

Voici un sujet qui peut servir à une réflexion autour de l'Etat de droit et de la question de la nationalité.

D'après un article publié dans Le Monde du mercredi 18 novembre 2015 et intitulé "Revirement politique sur la déchéance de nationalité", le Président souhaite revoir ses positions sur la question de la déchéance de nationalité.


M. Hollande a précisé dans son allocution du 16 novembre dernier que la déchéance de la nationalité ne doit " pas avoir pour résultat de rendre quelqu'un apatride ". Mais, " nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, même s'il est né Français ". " Je dis bien même s'il est né Français, dès lors qu'il bénéficie d'une autre nationalité ", a-t-il insisté.

Aujourd'hui, seul un binational ayant acquis la nationalité peut en être déchu. Les journalistes, Laurent Borredon et Jean-Baptiste Jacquin, rappelle que l'article  25 du code civil prévoit que " l'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride. " Les motifs de déchéance sont notamment une condamnation pour " acte de terrorisme ", une " atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation " ou d'avoir agi " au profit d'un Etat étranger " contre les intérêts de la France.

Actuellement, la déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé " se sont produits antérieurement à l'acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition. Elle ne peut être prononcée que dans le délai de dix ans à compter de la perpétration desdits faits ".  Pour l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou acte de terrorisme, le délai de dix ans est porté à quinze ans. 

On le voit bien, cette mesure pointe les bi-nationaux, des gens attachés à deux cultures, à deux Etats et souvent déjà considérés (à tord) comme des étrangers dans ces deux Etats. Les collègues franco-tunisiens avec qui je travaille au lycée Pierre-Mendès France ne démentiront sans doute pas.
Les Français qui s'associent à des actes terroristes mais qui n'ont que la nationalité française ne sont évidemment pas concernés par cette mesure.
Ainsi, cette évolution du code de la nationalité dans la lutte contre le terrorisme risque d'être inefficace et peut même renforcer les clivages dans notre société en stigmatisant une catégorie de la population qui a souvent déjà du mal à s'intégrer.
Florian Borg, le président du Syndicat des avocats de France s'alarme, à juste titre, contre cette série de mesures qui, dit-il dans un communiqué, " accentuent les stigmatisations de certains Français, telle la déchéance de nationalité, sont sans effet et contre-productives ".

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