vendredi 2 octobre 2015

L'évaluation, une question toujours épineuse…

A lire dans Le Monde de ce vendredi 2 octobre, un article sur la question de l'évaluation à l'école : "Finissons-en avec la querelle de la notation Comment faire écrire et évaluer les élèves ?" par Charles Hadji.

Extraits choisis avec certains passages remarquables en gras : 

"On a parfois l'impression que la question de l'évaluation est devenue l'objet d'une véritable guerre de religion. D'un côté, la secte des " rigoureux ", qui ne jurent que par l'excellence et par l'exigence. De l'autre, celle des " bienveillants ", qui veulent la réussite pour tous. Les premiers dénoncent le laxisme des seconds, qui s'attaquent à l'élitisme des autres. Pour ne pas rester englué dans cette querelle, il nous paraît nécessaire de faire deux ou trois observations, fondées à la fois sur un persévérant travail d'observation et d'analyse des pratiques d'évaluation et sur le bon sens, lequel, n'en déplaise à Descartes, n'est plus guère " la chose du monde la mieux partagée ".

[…]"Mais sans doute vaut-il mieux abandonner l'adjectif bienveillant, pour voir ce qui est ici en jeu. C'est, au-delà du refus élémentaire de la malveillance, l'émergence d'une évaluation " libre de peur ". Etre évalué étant en soi une situation stressante, l'évaluateur a le devoir de ne pas ajouter inutilement de la peur à la peur. Il lui faut inscrire l'évaluation dans un climat de confiance, de nature à faire disparaître la peur inutile. C'est possible, comme le montrent les pratiques d'évaluation par " contrat de confiance ", qui éliminent les pièges en ne faisant porter l'évaluation que sur ce qui a été enseigné et travaillé en classe, et en instituant des séances de révision avant les contrôles.



Mais comment être rigoureux, et apprécier la valeur exacte d'une production ? Les notes ne sont-elles pas nécessaires pour cela ? Il n'en est rien. Car, d'une part, la recherche a amplement démontré leur absence de fiabilité, leur dimension mystificatrice (il n'y a pas de " vraie note ") et leur pouvoir de stigmatisation. Alors que, d'autre part, la note n'est pas à proprement parler un outil d'évaluation, mais un moyen pour communiquer les résultats d'un travail évaluatif. Une note ne fait qu'exprimer, en le condensant d'une façon telle que cela risque de le faire oublier, tout le travail qui l'a précédée.

C'est pourquoi, contrairement aux apparences, le problème central dans l'évaluation des élèves n'est pas celui de la notation. Il est de savoir comment recueillir et interpréter les éléments sur lesquels se fondera son jugement. Le " devoir " est une donnée brute, qui doit faire l'objet d'une lecture appréciative. Il faut disposer d'outils pertinents pour opérer cette lecture.

De tels outils existent. Les grilles d'évaluation analytiques proposées, par exemple, au Québec, par le professeur Gérard Scallon, listent les dimensions du travail qu'il est important d'observer (l'évaluateur doit savoir ce qu'il faut regarder dans la production qu'il juge) et distinguent, pour chaque dimension, des degrés significatifs de réussite (l'évaluateur doit pouvoir situer les progrès de l'élève, en chaque cas, sur une échelle). La querelle de la notation a donc le grave inconvénient de faire méconnaître que le principal défi à affronter se situe avant toute attribution de note.

Cependant, une évaluation exige-t-elle d'être traduite en note ? L'évaluation est destinée à quelqu'un (élève, professeur, parent), à qui sera communiqué un " discours " synthétisant ce qui a été observé. Ce " discours " peut prendre la forme d'une appréciation écrite, mais aussi d'une note, d'une lettre ou d'une couleur. Y a-t-il un système préférable ? La limite la plus grave de la note est ici sa faiblesse informative. Que sait-on quand on a obtenu la note de 9/20 ? Que l'on n'est pas au niveau ? Mais pourquoi, et de quel point de vue ?

[…] Dans sa sécheresse, la note est impuissante à informer sur les acquis et les lacunes. Or, il faut apporter des informations éclairantes. Cela implique un effort de clarification concernant les apprentissages visés. C'est précisément ce que tente de réaliser la démarche d'évaluation par compétences, qui suppose qu'élèves et parents appréhendent concrètement celles-ci. Et cela implique un minimum de clarté dans le " propos évaluatif ". Un système de couleurs, ou comportant un nombre réduit de chiffres ou de lettres (car une notation de zéro à vingt ne permet pas de positionner clairement les élèves dans une échelle de progression), peut permettre de concilier intelligemment les exigences d'information et de classement."

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