dimanche 13 septembre 2015

Gestion du handicap et Pédagogie différenciée (1)

Chers tous,

Cette année, j'ai voulu être professeur principal d'une classe de 6e avec l’ambition de mener un projet interdisciplinaire et interdegrés sur l'éco-citoyenneté : "Éco-citoyens en herbe". Ce projet, conduit en équipe, devrait donner lieu à des sorties pédagogiques (en fonction de la situation sécuritaire en Tunisie) et être couronné par un voyage dans le Parc National du Mercantour, qui, après la Tunisie, serait notre deuxième territoire d’étude. 

Or, il se trouve que cette classe de 6e accueille un élève, Malek, en situation de handicap. Il souffre de dysphasie sémantique et linguistique. C’est un handicap très lourd mais ses parents, tous les deux médecins, et sa famille, une véritable tribu soudée autour de lui, tiennent à ce qu’il reste scolarisé le plus longtemps possible dans le système français, "en inclusion". 
Il bénéficie, depuis qu'il est scolarisé dans les établissements du réseau AEFE, d’un PPS (projet personnalisé de scolarisation) (http://scolaritepartenariat.chez-alice.fr/page234.htm) et d'une AVS (Auxiliaire de Vie Scolaire), Nadinequi est chargée d'optimiser son autonomie dans les apprentissages, de faciliter sa participation aux activités collectives et aux relations interindividuelles et d'assurer son installation dans les conditions optimales de sécurité et de confort. Son AVS, qui a une formation d’orthophoniste, le suit quant à elle depuis le CM2. Elle l’accompagne donc en classe et cette année, elle est avec lui dans la plupart des cours et lui apporte, avec gentillesse et compétence, son aide précieuse. Par ailleurs, deux de ses cousins, qui ont l’habitude de travailler avec lui, ont été placés dans la même classe.
Pour rappel, la scolarisation des élèves en situation de handicap est l’un des axes prioritaires de l’Ecole : « La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation de la citoyenneté des personnes handicapées et la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013 ont permis des avancées majeures dans la politique de scolarisation des élèves en situation de handicap. » (http://www.education.gouv.fr/cid207/la-scolarisation-des-eleves-handicapes.html)

Comment parvenir alors à intégrer cet élève en situation de handicap et à l’accompagner dans son parcours au collège ? Comment l’associer au projet de classe ?

Je vous propose donc de suivre sur ce site les réflexions et le travail mené par notre équipe de professeurs pour répondre à ces questions. A travers cette démarche, j’espère aider les enseignants à réfléchir et à se préparer à l’accueil d’élèves en situation de handicap.


Septembre

Phase 1 : S’informer
Lors de la prérentrée, j’ai découvert la classe dans laquelle je suis professeur principal. Une rencontre entre les professeurs de CM2 et ceux de 6e, en présence de la Proviseure adjointe, de la CPE et de l’infirmière, a été organisée par l’administration. Nous avons pu échanger longuement sur certains cas d’élèves difficiles ou en difficulté. Pour ce qui me concerne, j’ai essentiellement pris connaissance du cas de mon élève en situation de handicap découvrant, je dois l’admettre, ce qu’est la dysphasie sémantique-pragmatique, à travers les explications de ma collègue de CM2 et la lecture de son dossier médical et scolaire (très fourni et documenté). 

Pour simplifier, il a de grosses difficultés à comprendre certains exercices. Il lui faut plus de temps et des schémas explicatifs adaptés. Mais surtout, il ne sait pas communiquer spontanément, notamment à l’oral. Il s’agit d’un trouble envahissant du développement (TED). Ses parents m’expliqueront plus tard qu’il est intelligent, mais qu’il « n’a pas le décodeur ». En fait, il ne garde pas de trace sonore des consignes entendues. Il a donc besoin de consignes simples et d’évaluations adaptées, en répétant les consignes, en en laissant une trace visuelle (son AVS a une ardoise en classe à cet effet). 
Ces consignes doivent être explicites. Par exemple :
- ne pas dire « Il ne faut pas courir »,
- mais dire « Marche lentement ».
Dans le même ordre d’idée, il faut exprimer son contentement face à un travail réussi en lui disant clairement : « C’est un bon travail » car un sourire ou un regard d’encouragement ne seront pas compris. De la même façon, si l’on n’est pas satisfait de son travail ou de son attitude, il faut lui dire clairement en s’assurant qu’il écoute et qu’il regarde (établir un contact visuel si possible). En somme, il faut exprimer explicitement ce que l’on ressent face à lui. Il faut qu’il puisse mettre des images concrètes sur les mots car il n’est pas capable d’abstraction
Il est très sensible et c’est un élève gentil et sage. Ses parents, très investis, le suivent activement et l’aident à faire ses devoirs et avec du temps, il est capable de réussir certaines tâches. Ses écrits peuvent même être de bonne qualité. Et avec une longue préparation, il peut réciter un texte voire l’interpréter avec brio, ou préparer et présenter un exposé.
Son enseignante de CM2 me conseille de le mettre à l’aise et de le protéger des possibles moqueries des autres et, lorsque son AVS ne sera pas en classe avec lui, de le mettre à côté de l’un de ses cousins (deux bons élèves) qui ont l’habitude de l’aider tout en restant discrets.

Je termine cet entretien partagé entre espoir et anxiété avec le sentiment d’avoir une montagne immense à escalader. Vais-je être à la hauteur de ce nouveau défi ? L’équipe des enseignants sera-t-elle mobilisée ?

Phase 2 : Rencontrer la famille
Dès la première réunion parents-professeurs, je rencontre les parents de cet élève. Je mesure leur engagement, leur amour pour cet enfant particulier. Ils me disent leurs espoirs et leurs craintes. 
Je n’ai encore aucune solution précise à leur proposer mais je m’engage alors à faire mon possible pour intégrer leur enfant en prenant en compte son handicap dans mes pratiques pédagogiques. Mais, je ne peux pas m’engager pour toute l’équipe des professeurs. Je sais toutefois que certains s’investiront largement. 
Nous prévoyons une réunion entre les parents et l’équipe des enseignants la semaine suivante pour organiser un nouveau PPS (plan personnalisé de scolarisation) sous l'autorité de la Direction. Nous allons aussi mettre en place un vecteur de communication entre la famille et les professeurs.

Phase 3 : Tenter de mettre en place un travail d’équipe
Première priorité : informer l’équipe des professeurs de la classe. Je leur envoie donc un message contenant les premières informations dont je dispose sur cet élève en situation de handicap. Son dossier étant consultable à l’infirmerie.

Je sais aussi qu’il y a un autre élève en situation de handicap (TED) dans la classe de CM2 avec laquelle une partie de l’équipe des professeurs mènera le projet « Eco-citoyens en herbe ». L’enseignante de cette classe sera elle-aussi dans la recherche de solutions. Nos échanges, dans le cadre du projet (échange de classes, préparation des sorties et du voyage) et en dehors du projet, devraient nous permettre d’avancer ensemble.

A suivre…

2 commentaires:

  1. Bonjour, je suis la maman de Malek, l'enfant dysphasique dans la classe de Mr Loquay.

    Mon mari et moi sommes ravis de cette initiative et j'ai contacte tous les anciens intervenants dans la prise en charge de Malek, orthophonistes,AVS psychotherapeute, maitres et maitresses, enseignantes specialisees, afin de les encourager vivement à intervenir dans ce blog.

    Nous suivrons de pres les publications et nous essaierons de repondre au mieux à vos questions. Un grand merci à Mr Loquay pour cette plateforme d'echanges et de discussion.

    Juste un petit detail, Malek a ete accompagne d'une AVS depuis le CP,donc depuis 7 ans. il a refait, a notre demande l'annee de CM1, et il est actuellement age de 12 ans.

    comme nous l'avons dit a Mr Loquay, chaque annee est une montagne à franchir, mais cette annee c'est carrement l'Himalaya..

    mais nous sommes prets! :-)

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  2. Bonjour, je suis l'enseignante de la classe de CM2 engagée dans le projet inter-degré "Eco-citoyen en Herbe".
    J'accueille aussi un élève TED, et je vais aussi tâcher de mettre en partage les aménagements mis en place en classe. Cette année de CM2 est importante pour mon élève car il doit devenir de plus en plus autonome dans l'usage de son ordinateur... ceci lui permettant de mieux avancer dans sa scolarité, qui est vraiment exemplaire jusque là, avec ses faiblesses. Nous devons tous les deux, mon élève et moi, comprendre comment réussir cette transition dès maintenant.

    Enseignants et élèves enrichissent leurs savoirs, leurs capacités... tout un programme !

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